Le point de vue de l’Eglise catholique romaine sur la sauvegarde de l’environnement

Extrait de la lettre encyclique « Laudato Si » du Pape François

« Laudato si’, mi’ Signore »– « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune qui est l’environnement, est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, qui nous accueille à bras ouverts: « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur, notre mère la terre, qui nous soutient, nous gouverne et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe ».

Sa sainteté, le Pape FRANCOIS

Notre mère qui est la terre crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. La violence qu’il y a dans le cœur humain, se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants. C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui « gémit en travail d’enfantement » (Bm 8, 22). Nous oublions que nous-mêmes, nous sommes poussière (cf. Gn 2, 7). Notre propre corps est constitué d’éléments de la planète, son air nous donne le souffle et son eau nous vivifie comme elle nous restaure.

Rien de ce monde ne nous est indifférent

Il y a plus de cinquante ans, quand le monde vacillait au bord d’une crise nucléaire, le Pape saint Jean XXIII avait écrit une Encyclique dans laquelle il ne se contentait pas de rejeter une guerre, mais avait voulu transmettre une proposition de paix. Il avait adressé son message de ‘Paix sur terre’ (Pacem in terris« aux fidèles de l’univers » tout entier, mais il ajoutait « ainsi qu’à tous les hommes de bonne volonté ». À présent, face à la détérioration globale de l’environnement, le Saint père François dans sa lettre encyclique « Laudato Si » publiée le 24 Mai 2015 à la solennité de Pentecôte, en la troisième année de son Pontificat, s’est adressé à chaque personne qui habite cette planète terre. Dans son Exhortation, le Pape François a écrit aux membres de l’Église en vue d’engager un processus de réforme missionnaire. Dans l’Encyclique « Laudato si », le Pape François se propose spécialement d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune qui est l’environnement.  

Huit ans après le message de ‘Paix sur terre’ du Pape Saint Jean XXIII, en 1971, le bienheureux Pape Paul VI s’était référé à la problématique écologique, en la présentant comme une crise qui a des « conséquences…dramatiques» de l’activité sans contrôle de l’être humain : « Par une exploitation inconsidérée de la nature, l’être humain risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation ». Le Pape Paul VI avait parlé également à la FAO de la possibilité de « l’effet des retombées de la civilisation industrielle, qui risque de conduire à une véritable catastrophe écologique », en soulignant « l’urgence et la nécessité d’un changement presque radical dans le comportement de l’humanité », parce que « les progrès scientifiques les plus extraordinaires, les prouesses techniques les plus étonnantes, la croissance économique la plus prodigieuse, si elles ne s’accompagnent d’un authentique progrès social et moral, se retournent en définitive contre l’homme ».

Voilà pourquoi, Saint Jean-Paul II s’est occupé de ce thème avant sa mort avec un intérêt toujours grandissant. Dans sa première Encyclique, il avait prévenu que l’être humain semble « ne percevoir d’autres significations de son milieu naturel que celles de servir à un usage et à une consommation dans l’immédiat ». Par la suite, Saint Jean-Paul II avait  appelé à une conversion écologique globale.  

Mais en même temps, il avait fait remarquer qu’on s’engage trop peu dans « la sauvegarde des conditions morales d’une “écologie humaine” authentique».

La destruction de l’environnement humain est très grave, parce que non seulement Dieu a confié le monde à l’être humain, mais encore la vie de celui-ci est un don qui doit être protégé de diverses formes de dégradation. Toute volonté de protéger et d’améliorer le monde suppose de profonds changements dans « les styles de vie, les modèles de production et de consommation et dans les structures de pouvoir établies qui régissent aujourd’hui les sociétés ». Le développement humain authentique a un caractère moral et suppose le plein respect de la personne humaine, mais il doit aussi prêter attention au monde naturel et « tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens mutuels dans un système ordonné ». Par conséquent, la capacité propre à l’être humain de transformer la réalité doit se développer sur la base du don des choses faites par Dieu à l’origine.  

Le Pape Benoît XVI avait renouvelé avant sa mort, l’invitation à « éliminer les causes structurelles des dysfonctionnements de l’économie mondiale et à corriger les modèles de croissance qui semblent incapables de garantir le respect de l’environnement». Il avait rappelé qu’on ne peut pas analyser le monde seulement en isolant l’un de ses aspects, parce que « le livre de la nature est unique et indivisible » et inclut, entre autres, l’environnement, la vie, la famille et les relations sociales. Par conséquent, « la dégradation de l’environnement est étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine». Le Pape Benoît 16 nous avait proposé de reconnaître que l’environnement naturel est parsemé de blessures causées par notre comportement irresponsable. L’environnement social a lui aussi ses blessures. Mais toutes, au fond, sont dues au même mal, c’est-à-dire à l’idée qu’il n’existe pas de vérités indiscutables qui guident nos vies, et que la liberté humaine n’a pas de limites. On oublie que « l’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature». Avec une paternelle préoccupation, le Pape Benoit nous avait invités à réaliser que la création subit des préjudices, là « où nous-mêmes sommes les dernières instances, où le tout est simplement notre propriété que nous consommons uniquement pour nous-mêmes. Et le gaspillage des ressources de la Création commence là où nous ne reconnaissons plus aucune instance au-dessus de nous, mais ne voyons plus que nous-mêmes ».

Unis par une même préoccupation

Ces apports des Papes recueillent la réflexion d’innombrables scientifiques, philosophes, théologiens et organisations sociales qui ont enrichi la pensée de l’Église sur ces questions. Mais nous ne pouvons pas ignorer qu’outre l’Église catholique, d’autres Églises et Communautés chrétiennes comme aussi d’autres religions ont nourri une grande préoccupation et une précieuse réflexion sur ces thèmes environnementaux qui nous préoccupent tous. Pour prendre un seul exemple remarquable, nous avons recueilli l’apport du cher Patriarche Œcuménique Bartholomée, avec qui nous partageons l’espérance de la pleine communion ecclésiale.

Le Patriarche Bartholomée s’est référé particulièrement à la nécessité de se repentir, chacun, de ses propres façons de porter préjudice à la planète terre ou encore à l’environnement, parce que « tous, nous causons de petits préjudices écologiques », nous sommes appelés à reconnaître « notre contribution – petite ou grande – à la défiguration et à la destruction de la création ou de l’environnement ». Sur ce point, le Patriarche Bartholomée s’est exprimé à plusieurs reprises d’une manière ferme et stimulante, nous invitant à reconnaître les péchés contre la création : « Que les hommes dégradent l’intégrité de la terre en provoquant le changement climatique, en dépouillant la terre de ses forêts naturelles ou en détruisant ses zones humides ; que les hommes portent préjudice à leurs semblables par des maladies en contaminant les eaux, le sol, l’air et l’environnement par des substances polluantes, tout cela, ce sont des péchés » ; car « un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu ».

En même temps, Bartholomée avait attiré l’attention sur les racines éthiques et spirituelles des problèmes environnementaux qui demandent que nous trouvions des solutions non seulement grâce à la technique mais encore à travers un changement de la part de l’être humain, parce qu’autrement nous affronterions uniquement les symptômes. Il nous a proposé de passer de la consommation au sacrifice, de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partager, apprendre à donner, et non simplement à renoncer. C’est une manière d’aimer, de passer progressivement de ce que le Pape François veut à ce dont le monde de Dieu a besoin. C’est la libération de la peur, de l’avidité et de la dépendance. Nous chrétiens, nous sommes appelés à accepter le monde comme sacrement de communion, comme manière de partager avec Dieu et avec le prochain à une échelle globale. C’est notre humble conviction que le divin et l’humain se rencontrent même dans les plus petits détails du vêtement sans coutures de la création de Dieu.

Saint François d’Assise

Par ici, Saint François d’Assise est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité. C’est le saint patron de tous ceux qui étudient et travaillent autour de l’écologie, aimé aussi par beaucoup de personnes qui ne sont pas chrétiennes. Il a manifesté une attention particulière envers la création de Dieu ainsi qu’envers les pauvres et les abandonnés.

Son témoignage nous montre aussi qu’une écologie intégrale requiert une ouverture à des catégories qui transcendent le langage des mathématiques ou de la biologie. Chaque fois que Saint François d’Assise regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs « en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison ». Pour lui, n’importe quelle créature était une sœur, une mère unie à lui par des liens d’affection. Voilà pourquoi il se sentait appelé à protéger tout ce qui existe. Son disciple saint Bonaventure rapportait que, « considérant que toutes les choses ont une origine commune, il se sentait rempli d’une tendresse encore plus grande et il appelait les créatures, aussi petites soient-elles, du nom de frère ou de sœur ». Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, le souci de protéger l’environnement jaillira spontanément.  

D’autre part, saint François d’Assise, fidèle à l’Écriture, nous a proposé de reconnaître la nature comme un livre dans lequel Dieu nous parle et nous révèle quelque chose de sa beauté et de sa bonté : « La grandeur et la beauté des créatures font contempler, par analogie, leur Auteur » (Sg 13, 5), et « ce que Dieu a d’invisible depuis la création du monde, se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité » (Bm 1, 20). C’est pourquoi il demandait qu’au couvent on laisse toujours une partie du jardin sans la cultiver, pour qu’y croissent les herbes sauvages, de sorte que ceux qui les admirent puissent élever leur pensée vers Dieu.

 Appel du Pape François  

Le Pape François lance aujourd’hui un défi dans son encyclique ‘Laudato SI’.  Le défi urgent de sauvegarder notre « maison commune » inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. Le Pape François dans son encyclique ‘Laudato si’, a salué, encouragé et remercié tous ceux qui, dans les secteurs les plus variés de l’activité humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison commune que nous partageons. Ceux qui luttent avec vigueur pour affronter les conséquences dramatiques de la dégradation de l’environnement sur la vie des plus pauvres dans le monde, méritent une gratitude spéciale. Les jeunes réclament un changement. Ils se demandent comment est-il possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus.

Le Pape François a adressé une invitation urgente dans son encyclique ‘Laudato Si’, à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète terre. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unis tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. Le mouvement écologique mondial a déjà parcouru un long chemin, digne d’appréciation, et il a généré de nombreuses associations citoyennes qui ont aidé à la prise de conscience. Malheureusement, beaucoup d’efforts pour chercher des solutions concrètes à la crise environnementale échouent souvent, non seulement à cause de l’opposition des puissants, mais aussi par manque d’intérêt de la part des autres. Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indifférence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques. Il nous faut une nouvelle solidarité universelle. Comme l’ont affirmé les Évêques d’Afrique du Sud, « les talents et l’implication de tous sont nécessaires pour réparer les dommages causés par les abus humains à l’encontre de la création de Dieu ». Tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités.  

Voilà pourquoi, la Lettre encyclique du Pape François « Laudato Si » qui s’ajoute au Magistère social de l’Église, doit nous aider à reconnaître la grandeur, l’urgence et la beauté du défi qui se présente à nous en matière environnementale. Nous pourrons ainsi proposer une écologie qui, dans ses différentes dimensions, incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure.    

Roger Kabata

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