LA SCTP ET SON CALVAIRE

Aujourd’hui elle s’appelle SCTP, Société Commerciale des Transport et des Ports, qui était hier lundi ONATRA, dimanche OTP, samedi encore ONATRA, vendredi OTRACO, et une année auparavant UNATRA : C’est l’épine dorsale de la République Démocratique du Congo. Toutes ces dénominations ne se rapportent qu’à une seule personne, ce qui prouve qu’elle vient de loin. De très loin, depuis la gestion du pays par le roi Léopold II, donc après la conférence de Berlin, en 1884.

En tant que épine dorsale, l’entreprise a une connotation sociale, puisqu’elle relie toutes les provinces, avec l’exploitation du fleuve Congo, secondée par des tronçons de chemins de fer, là où il n’est pas navigable.

Emmanuel Mampangala, analyste économique

Le transport, qu’on retrouve dans chacun de ces noms, (SCTP, ONATRA, OTRACO …)  joue un rôle important dans la réunification du pays,ainsi que dans le social de ses habitants. Réunification du pays parce qu’il permet à un individu de se déplacer  d’une province à l’autre, soit par fleuve, soit par fer. Le social des habitants, outre le transport,  par les échanges commerciaux (informel), car àchaque gare ou arrêt, les proches, les riverains, viennent vendre le fruit de leurs produits : chikwangues, mais, haricots, poissons frais, séchés ou prêts à la consommation et autres et, par contre, ils retournent au village avec du savon, du sel, du pétrole, du riz, des habits etc., etc.

 A travers ces échanges ont été payés des frais scolaires, des ordonnances médicales, des frais d’hospitalisation et pourquoi pas  des dots.  Ce secteur de transport a donc scellé des mariages, affermi des amitiés, sans oublier la connaissance acquise par la contemplation, la méditation et autre.  Ayant bien joué son rôle, il a largement contribué au bien-être des Congolais !

Cependant, le transport pour masses n’est pas assez rentable à cause de ses couts en équipement et d’exploitation très élevés. Acquérir un bateau est déjà onéreux, et le faire voyager de Kinshasa pour Kisangani entraine l’usage d’un important stock de consommables, ainsi que leur gestion par un certain nombre d’agents, avec des grades et des qualifications diverses. Il en va de même pour les chemins de fer. Très souvent, par ailleurs, ces secteurs ont des bilans négatifs à la fin de l’exercice.  Mais ils sont contraints de continuer à cause de leur mission.

Fort heureusement, le fleuve Congo, en tant que colonne vertébrale du pays, que la SCTP exploite, connait plusieurs parties distinctes, et chacune joue un rôle certain. Ainsi :

  le premier bief navigable, est maritime. Il va de Banana à Matadi,  le bief non navigable de Matadi à Kinshasa, est exploité avec le barrage d’Inga, Le bief de nouveau navigable de Kinshasa à Kisangani, est le domaine du transport fluvial.Pour ne citer que ceux-ci.

Dans le bief maritime sont construits trois ports, à savoir celui de Banana,  de Boma et de Matadi, le plus grand. Ainsi, la SCTP, Société Commerciale de Transports et des Ports est complet.

Mais, le fleuve Congo ne traverse pas toutes les provinces. Dans ce cas, si ce n’est pas les chemins de fer, comme dit plus haut,  ce sont les affluents, qui prennent le relais. Ainsi,  les rivières Kasaï et Oubangui viennent à la rescousse du fleuve. D’autres rivières exploitées existent encore.    Là encore, c’est la SCTP dans ses œuvres.

L’exploitation de pareille organisation implique une abondante main d’œuvre. Quand à ce,  il regorgeait à son sein environ vint milles (20.000) travailleurs. En tant que Africains, on peut compter plus ou moins un million (+1.000.000)1 de personnes à sa charge.

Le colonisateur, véritable gestionnaire des ressources humaines, savait donner du travail à chacun. Et ils  étaient tous heureux d’être des agents de l’OTRACO.

L’organisation était telle qu’un voyageur pouvait partir de Kisangani (ou de Boende) pour Tshela avec un seul titre de voyage aller et retour, bien qu’empruntera successivement le bateau- le train- la vedette et le bus, sans attendre une fois arrivé à une gare, pendant un ou plusieurs jours.  L’inverse au retour.  Les bagages,(autres que le sac/la valise) : chèvre, mouton, bananes, sacs de fufu, …  confiées au service de la messagerie de la gare, suivront à destination. Il sera informé par un avis d’arrivée, quelques jours après son arrivée.

Seuls, ceux qui ont vécu au pays avant et environ dix ans après l’indépendance, ont pu savourer l’importance et la vraie valeur de l’OTRACO, aujourd’hui SCTP. C’est paradisiaque : symbole de l’ordre, de la propreté, de la ponctualité, de l’intégrité ! C’est vrai, le Congo était l’égal du Canada. Peut-être un peu plus !

Cette gigantesque  organisation dont le siège social est sis boulevard du 30 juin à Kinshasa, a son cœur et ses poumons à Matadi, au port. La poule aux œufs d’or de la société. La ville portuaire toute entière vibrait très fort à chaque paie de ses agents. L’office a eu des gestionnaires, des bons comme des mauvais.                                                                                                       

De l’OTRACO à l’ONATRA, la gestion était saine et meilleure, si bien qu’elle avait même atteint l’autosuffisance.  L’entreprise ne recourait pas aux fournisseurs locaux, elle importait ses consommables : pièces de rechanges (pour bateaux, locomotives, barges, wagons et véhicules) ainsi que les fournitures de bureaux.   

Elle achetait cash son carburant, payait ses factures d’eau et d’électricité, alors gérées par la REGIDESO. Pour accroître les performances, elle formait ses agents, dans plusieurs disciplines, sur place ou les envoyait carrément en Europe. Et tout marchait à merveille, salaires et problèmes sociaux se réglaient aisément.

Chaque travailleur a au moins cinquante personnes à sa charge : femme, enfants, parents, sœurs, frères, nièces, neveux, grands-parents, amis etc.       

Mais hélas !La zaïrianisation ayant introduit dans le mental des zaïrois le goût du bien personnel, par tous les moyens, en lieu et place du bien commun, public, commença le malheur de l’ONATRA. Surtout après le puissant PDG, le belge HonoréPaelinck.

La privatisation, après dégradation préméditée du rendement par la mégestion et la spoliation du patrimoine, va menacer l’entreprise dont la rentabilité baissera à mort. Chaque jour enlevait au moins une brique à l’édifice. Il fallait qu’elle s’effondre !

L’exploitation fluviale chutera  jusqu’à disparaitre, pour ainsi laisser la place à la création des ports privés illégaux, au montage des pousseurs, barges et pirogues motorisées, privés, surtout avec le départ de la clientèle à cause des cas de vols, des détournements de frets (cuivre, café, KKO …) par ses propres agents. Le trafic ferroviaire, pour cause d’intempestives pannes et de perturbations d’horaires, le fret n’arrivant pas à temps à destination, la clientèle se tourna vers la route, qui se développa tellement, à tel point que ce transporteur finit par devenir quasi  inexistant. Dans tout cela, l’agent de la SCTP a une grande part de responsabilité.

Aujourd’hui, une société étrangère a pris le monopole du transport du charbon, alors qu’une locomotive neuve ne coute qu’un million de dollars américains, et que la société dispose d’ateliers super équipés et d’un personnel qualifié, expert en maintenance.                     

Si à sa création le Terminal à Conteneurs de Matadi (TCM) pouvait traiter un navire avec environ mille mouvements en quarante- huit heures, ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec les mêmes moyens. Son parc, qui n’a jamais été restructuré depuis sa création, outre l’ajout récemment d’un tir qui a tant soit peu bousculé ses performances, venait d’être l’objet d’un engorgement terrible,qui occasionnait le mouillage de parfois dix navires, à la fois.                                              

Cependant, s’il y avait eu suivi,un terminal tampon aurait été créé à Songololo, cinq ans après son inauguration.Cet engorgement ne se serait donc pas produit. De même que pour les voies fluviales et les chemins de fer, il n’y a pas eu d’égard pour le terminal parce que si  restructuré,  son parc peut  contenir environ 7.000 conteneurs, puis 10.000 à la fin des travaux, à exécuter par ses agents.Par ses experts. Les structures fonctionnelles du Terminal à Conteneurs du Port de Kinshasa (TCPK) sont l’œuvre des agents du TCM, et non des expatriés.  JICA viendra pour les infrastructures. Mais l’exploitation! Vos réalités diffèrent des leurs.

Alors que les menaces de la privation s’exacerbaient, moyennant une taxe (RLT), un vrai fils Ne Kongo s’active à réhabiliter les quatre quais du port de Matadi, dans un état délabré depuis des décennies.  

Hélas ! La suspension de l’opération, après l’inauguration des deux premiers quais, favorisera  la création de MGT (Matadi Gateway Terminal) qui, au lieu, en principe, de l’être pour de nouveaux clients, va,au contraire,emporter ceux de la SCTP. Destruction méchante ou concurrence déloyale!                                                                                                

La rapidité, particularité de ce terminal, n’est pas sa création propre, car la SCTP peut aussi l’appliquer,si ses décideurs le veulent.

D’autre part, le port de SOCOPE (société congolaise de pêche),  grignote, lui aussi depuis belle lurette, avant même la création de MGT, une  bonne partie de la cargaison destinée au port SCTP de Matadi, en accueillant de grands navires chargés d’importants tonnages de sucre, de sel, de riz et autres. De par sa vocation, il est pour des chalutiers.    

Enfin, tant que le port ne récupèrera pas sa clientèle perdue, que les chemins de fer n’exploiteront pas toutes leurs potentialités avec industrie, et que la conscience des dirigeants ne sera pas proche de celle des actionnaires, une organisation pareille à celle d’avant la zaïrianisation ne sera pas possible. La société s’enlisera sans cesse, et son calvaire ne finira pas.  Elle doit se préparer à la guerre quand à ce, par une mise à niveau, afin de pouvoir  contenir le flux du trafic (qu’elle réclame !) comme par le passé.

La SCTP doit se poser la question de savoir : lorsque son trafic perdu reviendra, et que la nationale N°1 reprendra, non pas seulement l’axe ILEBO mais aussi celui de KISANGANI car, tant pour supprimer la fraude  que pour rentabiliser les infrastructures locales, que toutes les exportations passent par Matadi. Saura-t-elle tenir, lorsqu’on considère la situation actuelle de chaque secteur.  Agents de la SCTP, votre amour envers votre société est légendaire.Travaillez donc tous d’un seul cœur, pour un retour aux anciennes performances, et votre lendemain sera radieux. 

Il faut persévérer quand à ce.  Monsieur Honoré Paelinck avait trouvé l’office dans un précipice. Il l’y avait  tirée et relancée jusqu’à atteindre l’autosuffisance. C’est un belge, mais vous, vous êtes des congolais. Il vous revient de soutenir les dirigeants nationalistes, les vrais, des Kasa Vubu. Il y en a, à l’image de l’ingénieur Tito UMBA di MALANDA et d’autres. Qu’on lui donne les moyens de sa politique.

 Enfin, marchez avec le slogan : « LE PEUPLE D’ABORD ». Vous vous soutiendrez mutuellement!

                                                                                 Emmanuel Mampangala

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