En pleine crise sociale, le Chili renonce à organiser la COP 25

Attendue depuis quelques jours, la nouvelle a fini par tomber ce mercredi : la COP 25 n’aura pas lieu comme prévu à Santiago, du 2 au 13 décembre. Confronté à un mouvement inédit de contestation des inégalités sociales, le président chilien Sebastián Piñera a annoncé que son pays ne serait pas mesure d’organiser la COP, ni d’accueillir le sommet du forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) qui devait se tenir du 16 au 17 novembre en présence de plusieurs chefs d’Etat, dont Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping.

Dans le milieu écologiste, la nouvelle a été accueillie avec un mélange de satisfaction et d’anxiété. «Une évidence ! La lutte contre le dérèglement climatique est un projet de paix et de justice sociale», s’est exclamé sur Twitter le député européen écologiste Yannick Jadot. «Il aurait été hypocrite que cette conférence se tienne dans un pays connaissant une telle répression criminelle [au moins 5 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre au cours des manifestations, ndlr]. La lutte climatique ne peut être séparée des luttes sociales», ont affirmé sur le même réseau les jeunes de Youth for Climate France. «Piñera faisait face à une forte pression internationale, il a préféré la faire diminuer en renonçant à accueillir ces sommets. Il sera désormais moins sous le regard du monde. On vient de perdre un levier important sur la manière dont le gouvernement chilien va répondre à ces manifestations», juge pour sa part Maxime Combes, porte-parole d’Attac.

«Règles du jeu»

Cette décision chilienne fait surtout planer de grandes incertitudes sur la tenue de la COP 25, qui sans être annulée va devoir trouver un nouveau pays d’accueil. A ce stade, trois options existent. La première, peu probable au vu des courts délais, serait de déplacer la COP à Genève ou à Bonn, où se trouve le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La CCNUCC y a accès à des locaux onusiens, qui pourraient être suffisamment grands pour accueillir pendant quinze jours près de 25 000 participants. C’est déjà à Bonn qu’avait eu lieu en 2017 la COP 23, officiellement organisée par les îles Fidji.

La seconde option serait celle d’un report de courte durée, qui permettrait d’organiser la tenue du sommet à Bonn ou à Genève plus sereinement. C’est l’hypothèse jugée la plus crédible par Maxime Combes. «L’accord de Paris doit commencer à s’appliquer en 2020. La COP 25 de décembre devait finaliser ses règles d’application et toutes les négociations dites « techniques », explique à Libération le porte-parole d’Attac. Si elle n’a pas lieu, l’accord de Paris devrait tout de même s’appliquer mais on ne connaîtra pas toutes les règles du jeu, notamment concernant les marchés carbone.»

«Très compliqué»

La troisième hypothèse, celle d’un report d’un an de la COP 25, qui se tiendrait alors en fin d’année 2020 à Glasgow (censée accueillir à ce moment-là la COP 26), enverrait un très mauvais signal aux négociations sur le climat. «L’administration onusienne souhaite à mon avis éviter à tout prix cette éventualité, estime Maxime Combes. Le sommet de 2020 doit être celui du retour des chefs d’Etat, d’une COP censée être plus politique, avec des négociations pour rehausser les ambitions trop faibles de l’accord de Paris. Cela sera très compliqué si les chapitres précédents ne sont pas clôturés en amont».

Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la CCNUCC, a annoncé en fin d’après-midi qu’elle «explorait de nouvelles options d’accueil». Le Costa Rica, qui a accueilli en début de mois le pré-sommet de la COP, a également fait savoir qu’il était en discussion avec le Chili. Mais pour la trentaine de jeunes grévistes pour le climat partis le 2 octobre en voilier direction Santiago, il est déjà un peu tard pour changer de trajectoire.

MC/Roger KABATA

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